vendredi 23 mai 2008

Plaidoyer pour la défense de l’approche de réduction des risques et des méfaits

Bien que certains méfaits liés à l’usage de drogues par voie intraveineuse, tels que la transmission du virus de l’hépatite C, soient des menaces de plus en plus criantes en matière de santé publique, on assiste dans la francophonie à de nombreuses attaques des stratégies de réduction des risques et des méfaits mises en œuvre au cours des 20 dernières années.
En effet, une vague politique de conservatisme généralisée marque le retour en force du débat clivé opposant réduction des risques et des méfaits et politique répressive visant l’abstinence pour tous.
Au Canada, le site d’injection supervisé de Vancouver est sérieusement menacé de fermeture alors que 23 études, publiées dans des journées scientifiques avec comité de lecture tel que The Lancet, ont démontré ses impacts positifs à de nombreux égards. Le gouvernement fédéral s’opposait par ailleurs récemment à la diffusion de 500 000 exemplaires du livre « Drogues : Savoir plus – Risquer moins », jugé trop nuancé car présentant objectivement les risques liés l’usage et ne prônant pas de façon monolithique la prévention de l’usage. Pour plus de détails.
Il faut par ailleurs ne pas oublier que le gouvernement canadien rendait public il y a quelques mois sa nouvelle stratégie anti drogue, et que celle-ci mise exclusivement sur la répression le prévention de l’usage et le soin, excluant totalement toute stratégie visant à la réduction des méfaits.
De l’autre côté de l’Atlantique, en Suisse, la révision récente de la loi sur les stupéfiants, qui enchâsse dans la loi l’approche des quatre piliers (Prévention, soin, réduction de l’offre, réduction des risques) et donne un statut légal au traitement avec prescription d’héroïne, est contestée par des partis politiques qui ont recueilli les signatures nécessaires à l’organisation d’un référendum populaire qui, éventuellement, pourrait conduire à l’annulation de la révision de la loi, à la fin des traitements avec héroïne, etc.… Pour en savoir plus
En France, les positions de l’actuel gouvernement, en autres celles du président de la MILDT, laisse présager un net recul en matière de politique de réduction des risques, recul qui n’est pas sans soulever de vives inquiétudes. Pour plus de détail

Or, rappelons entre autres, qu’en occident, la majorité des nouveaux cas d’hépatite C se dénombrent chez les UDI, que le taux de mortalité dans cette population demeure beaucoup plus élevé que dans la population générale, et que les overdoses, les septicémies et les endocardites liées à des pratiques d’injection non sécuritaires font partie du quotidien de bon nombre d’UDI.

Les avancées scientifiques des dernières années nous permettent, d’autre part, d’identifier quelles sont les interventions efficaces pour éviter la mortalité prématurée chez les usagers de drogues et limiter les impacts négatifs de leur consommation sur leur santé et sur la santé publique.

Dans un tel contexte, présidé par des idéologies obscurantistes, il me semble aujourd’hui nécessaire que les responsables politiques, chercheurs, professionnels et bien entendu les UDI eux-mêmes, qui croient en la réduction des méfaits, mettent de coté leurs intérêts corporatifs et se mobilisent pour former un front commun permettant d’influencer les politiques publiques tant internationales que nationales en matière de drogues.
En effet, j’ai la conviction que seule une action internationalement concertée, regroupant tous les groupes d’intérêts, pourrait être suffisamment influente pour défendre efficacement la politique de réduction des risques et des méfaits, en opposant des arguments scientifiques aux arguments, essentiellement moraux, de nos décideurs actuels.
Je crois par ailleurs que c’est autour des usagers de drogues, qui sont vraisemblablement les acteurs qui ont le pouvoir d’attraction médiatique le plus fort, que cette coalition devrait se former, avec le soutien logistique d’une organisation internationale déjà bien implantée et reconnue.

J’invite donc toutes les personnes intéressées à se manifester en commentant ce texte, dans le but de favoriser le passage à l’action.
Éric Fabrès
(Ces propos n'engagent que leur auteur)