mercredi 4 juin 2008

Jusqu’à où le gouvernement du Québec est-il prêt à aller en matière de réduction des méfaits liés à l’usage de drogues?

Il y maintenant plus de dix ans que, dans le cadre de sa stratégie globale de lutte contre la toxicomanie, le gouvernement du Québec fait une place centrale à l’approche de réduction des méfaits. Bien qu’ayant, il y a quelques années, fait l’objet d’une étude de faisabilité dans la région de Montréal, le dossier des sites d’injection supervisé semblait toutefois avoir été relégué aux oubliettes, et ce, même si le contexte n’a pas toujours été défavorable à l’implantation de tels dispositifs.
Dans le deux dernières années, il faut bien concéder que les positions radicales du gouvernement du Canada à l’égard de l’approche de réduction des méfaits - positions dont la saga du renouvellement de l’autorisation permettant au site d’injection supervisé de Vancouver de poursuivre ses activités, est un éloquent exemple – contribuaient à ternir l’horizon en la matière. Il semblait en effet difficile pour le Québec d'envisager l'ouverture de sites d’injection supervisé alors que le gouvernement fédéral, responsable de l’application de la loi réglementant certaines drogues et autres substances, et donc des exemptions qui y sont accordées, était complètement opposé à ce type de projet. En effet, depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement conservateur de Stephen Harper n’a qu’une idée en tête : fermer, Insite, le seule site d'injection supervisé en Amérique du Nord, en ne renouvelant pas les exemptions à la loi qui avaient été accordées par le gouvernement précédent.
Or en quelques jours, tout semble avoir basculé.
La Cour suprême de Colombie-Britannique a déclaré inconstitutionnels certains articles de la loi canadienne sur les drogues, jugeant qu’Insite n’a pas besoin d’exemption pour poursuivre ses activités, mais, qu’au contraire, le gouvernement doit réécrire la loi afin que celle-ci ne contrevienne plus à la Charte canadienne des droits et libertés. Voir notre article à ce sujet.
Bien que le gouvernement du Canada ait décidé d’interjeter appel de cette décision, au regard de la faiblesse des arguments moraux avancés, tout porte à croire que les provinces ne seront plus assujetties au bon vouloir d’Ottawa pour mettre en œuvre la politique de réduction des méfaits liés à l’usage de drogue qu’elles jugent pertinente. Celles-ci devraient donc pouvoir, à l'avenir, ouvrir des sites d'injection supervisé si bon leur semble.
Aussi, on ne peut que se féliciter du moment choisi par le gouvernement du Québec pour faire connaître son intention d’ouvrir, au cours des quatre prochaines années, des sites d’injection supervisés dans les principales régions du Québec, emboîtant ainsi le pas au pays les plus avant-gardistes en matière de réduction des méfaits.
Pour notre part, nous applaudissons cette décision audacieuse, mais nous demandons jusqu’à où le gouvernement est prêt à aller dans une approche pragmatique de réduction des méfaits liés à l’usage de drogues?
En effet, en juin prochain, l’expérimentation clinique du projet NAOMI, projet de recherche visant à évaluer l’efficacité d’un traitement avec prescription d’opioïde injectable sous supervision, destiné à des personnes ayant échoué avec d’autres modalités de traitement, prendra fin (pour plus de détail sur NAOMI, cliquez ici).
Bien que les résultats du projet de recherche ne soient pas encore disponibles, il serait étonnant que ceux-ci contredisent les résultats obtenus dans les autres études menées à l’échelle internationale. Les projets menés en Suisse, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Espagne ont démontré que le traitement avec prescription d'opioides injectibales, prioncipalement l'héroine, est efficace pour traiter ce type de patients et présente un bon rapport coût/efficacité.
Aussi, nous espérons que le gouvernement du Québec tiendra compte de l'évidence scientifique et intègrera le projet NAOMI au continuum des services offerts aux personnes dépendantes des opioïdes.
Nous espérons également que le traitement des patients actuellement traités à la clinique NAOMI à Montréal ne sera pas interrompu, en attendant les résultats du projet de recherche.
Éric Fabrès
Responsable des communications
Centre de recherche et d'aide pour narcomanes (Cran)
Montréal - Québec - Canada
Ces propos n'engagent que leur auteur.

vendredi 23 mai 2008

Plaidoyer pour la défense de l’approche de réduction des risques et des méfaits

Bien que certains méfaits liés à l’usage de drogues par voie intraveineuse, tels que la transmission du virus de l’hépatite C, soient des menaces de plus en plus criantes en matière de santé publique, on assiste dans la francophonie à de nombreuses attaques des stratégies de réduction des risques et des méfaits mises en œuvre au cours des 20 dernières années.
En effet, une vague politique de conservatisme généralisée marque le retour en force du débat clivé opposant réduction des risques et des méfaits et politique répressive visant l’abstinence pour tous.
Au Canada, le site d’injection supervisé de Vancouver est sérieusement menacé de fermeture alors que 23 études, publiées dans des journées scientifiques avec comité de lecture tel que The Lancet, ont démontré ses impacts positifs à de nombreux égards. Le gouvernement fédéral s’opposait par ailleurs récemment à la diffusion de 500 000 exemplaires du livre « Drogues : Savoir plus – Risquer moins », jugé trop nuancé car présentant objectivement les risques liés l’usage et ne prônant pas de façon monolithique la prévention de l’usage. Pour plus de détails.
Il faut par ailleurs ne pas oublier que le gouvernement canadien rendait public il y a quelques mois sa nouvelle stratégie anti drogue, et que celle-ci mise exclusivement sur la répression le prévention de l’usage et le soin, excluant totalement toute stratégie visant à la réduction des méfaits.
De l’autre côté de l’Atlantique, en Suisse, la révision récente de la loi sur les stupéfiants, qui enchâsse dans la loi l’approche des quatre piliers (Prévention, soin, réduction de l’offre, réduction des risques) et donne un statut légal au traitement avec prescription d’héroïne, est contestée par des partis politiques qui ont recueilli les signatures nécessaires à l’organisation d’un référendum populaire qui, éventuellement, pourrait conduire à l’annulation de la révision de la loi, à la fin des traitements avec héroïne, etc.… Pour en savoir plus
En France, les positions de l’actuel gouvernement, en autres celles du président de la MILDT, laisse présager un net recul en matière de politique de réduction des risques, recul qui n’est pas sans soulever de vives inquiétudes. Pour plus de détail

Or, rappelons entre autres, qu’en occident, la majorité des nouveaux cas d’hépatite C se dénombrent chez les UDI, que le taux de mortalité dans cette population demeure beaucoup plus élevé que dans la population générale, et que les overdoses, les septicémies et les endocardites liées à des pratiques d’injection non sécuritaires font partie du quotidien de bon nombre d’UDI.

Les avancées scientifiques des dernières années nous permettent, d’autre part, d’identifier quelles sont les interventions efficaces pour éviter la mortalité prématurée chez les usagers de drogues et limiter les impacts négatifs de leur consommation sur leur santé et sur la santé publique.

Dans un tel contexte, présidé par des idéologies obscurantistes, il me semble aujourd’hui nécessaire que les responsables politiques, chercheurs, professionnels et bien entendu les UDI eux-mêmes, qui croient en la réduction des méfaits, mettent de coté leurs intérêts corporatifs et se mobilisent pour former un front commun permettant d’influencer les politiques publiques tant internationales que nationales en matière de drogues.
En effet, j’ai la conviction que seule une action internationalement concertée, regroupant tous les groupes d’intérêts, pourrait être suffisamment influente pour défendre efficacement la politique de réduction des risques et des méfaits, en opposant des arguments scientifiques aux arguments, essentiellement moraux, de nos décideurs actuels.
Je crois par ailleurs que c’est autour des usagers de drogues, qui sont vraisemblablement les acteurs qui ont le pouvoir d’attraction médiatique le plus fort, que cette coalition devrait se former, avec le soutien logistique d’une organisation internationale déjà bien implantée et reconnue.

J’invite donc toutes les personnes intéressées à se manifester en commentant ce texte, dans le but de favoriser le passage à l’action.
Éric Fabrès
(Ces propos n'engagent que leur auteur)

lundi 21 avril 2008

Drogues : Savoir plus – risquer moins, ou : l’obscurantisme du gouvernement conservateur du Canada

Il y a quelques années, était publié en France un livre d’information sur les drogues, leurs effets et les risques pouvant découler de leurs usages : « Drogues : Savoir plus - risquer moins ».
Cet ouvrage d’information, publié par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) était destiné à fournir au grand public une information fiable, basée sur l’évidence scientifique.
En partant du principe que les individus sont en mesure de gérer leur propre santé, dès lors qu'ils bénéficient des informations requises pour le faire, et que la prévention de l’usage de drogue problématique passe, entre autres, par une information objective et équilibrée; cette initiative visait à responsabiliser, à permettre de faire des choix éclairés et à réduire les risques et les méfaits.
Cet ouvrage étant reconnu pour sa pertinence et sa qualité, en 2001, le Comité permanent de lutte à la toxicomanie (CPLT) décidait d’en adapter le contenu au contexte québécois et procédait, par la suite, à l’édition d’une version anglophone ainsi qu’à une mise à jour des informations. Après la dissolution du CPLT par le gouvernement Charest, le Centre québécois de lutte aux dépendances (CQLD) publiait la troisième édition de l’ouvrage.
C’est ainsi que, distribué à plus de 200 000 exemplaires, « Drogues : Savoir plus – risquer moins » est devenue une référence incontournable au Québec, en matière d'information et de prévention de l’usage problématique de stupéfiants, tant pour les professionnels que pour le grand public.

Ainsi, l’ancien gouvernement fédéral, d’allégeance libérale, commandait quelque 500 000 exemplaires du bouquin, destinés à être distribués gratuitement aux jeunes canadiens. À 2 $ l’unité, la facture se montait à 1 million de dollars canadiens.

Radio-Canada nous apprenait hier que le gouvernement conservateur de Stephen Harper, avait, malgré le montant de la facture, décidé de ne pas distribuer les 500 000 exemplaires qui sont stockés depuis un an déjà. Le gouvernement juge en effet le contenu de l'ouvrage, pourtant basé sur des faits scientifiques, trop ambiguë (il décrit entre autres les sensations agréables que peuvent procurer certaines drogues) et nuancé (il ne met pas assez l'accent sur les dangers de la consommation et la nécessité de ne pas consommer ou d'arrêter de consommer).

Quand, en tant que citoyen, on sait que le gouvernement conservateur a fait de la prévention l’un des piliers de sa nouvelle stratégie antidrogue et que, dans un même temps, celui-ci décide de mettre sur les tablettes un ouvrage pour la simple raison que celui-ci ne présente pas uniquement, à grand renfort de messages inspirant la peur, les effets délétères des usages de drogues; on est en droit de se demander si nos taxes sont judicieusement utilisées.

Ce n’est en effet pas la première fois que le gouvernement conservateur de Stephen Harper démontre au grand jour qu’en matière de drogue, entre autres, il privilégie une approche idéologique, basée sur des principes moraux, plutôt que sur l’évidence scientifique, aussi criante soit-elle.
Aussi, malgré tous les résultats remarquables que pourront donner les études scientifiques je crois qu'il ne faudra pas s’étonner de voir notre gouvernement progresser à grands pas dans le démantèlement méthodique de la politique de réduction des méfaits qui était celle du Canada en matière de drogue.

La non-diffusion de « Drogues : Savoir plus - risquer moins », qui, entendons-nous, est une forme de censure, ce qui est un comble pour un gouvernement qui se targue de vouloir être transparent, nous laisse en effet clairement entrevoir le sort qui sera ultimement réservé aux projets de site d’injection supervisé et de traitement avec prescription d’héroïne que nous tentons de défendre avec des arguments scientifiques.
Mais au-delà de ça, que doit-on craindre?
Interdira-t-on la distribution gratuite de seringues afin de ne pas inciter, par ce biais, à l’usage de drogues par voie intraveineuse?
Préférera-t-on aux traitements de substitution, l’une des interventions médicales dont l’efficacité est la mieux documentée, des stratégies de soin ayant pour objectif l’abstinence pour tous, même si tout porte à croire que cela est impossible?

Compte tenu du faible poids politique qu’ont actuellement, les associations d’usagers de drogues et les professionnels en toxicomanie, que peut-on faire pour que le Canada revienne à un politique pragmatique en matière de drogue? N’avons-nous plus qu’à espérer que les dérives conservatrices, qui, de moins en moins subtilement, tentent d’indiquer aux canadiens la voie morale qu’ils doivent suivre, finissent par inciter la majorité de l’électorat à s’engager sur une voir plus progressiste?

Éric Fabrès*
* Ces propos n'engagent que leur auteur.

mardi 18 mars 2008

ASUD se prononce sur la « fameuse cure miracle » du docteur Waissman

Quelle personne dépendante des opioïdes ayant expérimenté les affres du manque n’a pas rêvé d’une thérapie miraculeuse, permettant de se débarrasser facilement et durablement de sa dépendance?
Comme quelques autres, dans sa clinique israélienne, le Dr Waissman, propose une thérapie qui, en apparence, ressemble fort à cette solution miracle.
Bien que déraisonnablement chère, cette thérapie, proposant un sevrage rapide attire de plus en plus de monde, comme bien d'autres propositions comparables.
Afin d’aider les personnes intéressées à se forger un avis éclairé, l’équipe d’ASUD Paris, propose sur son site Internet, une réflexion étayée par des témoignages sur le sujet.
À lire absolument!

mercredi 12 mars 2008

L’Organe international de contrôle des stupéfiants blâme le Canada pour sa politique de réduction des méfaits

Le 5 mars 2008, l'Organe International de Contrôle des Stupéfiants (OICS) diffusait, dans le cadre de la présentation de son rapport annuel, un communiqué de presse dans lequel le Canada est accusé, de contrevenir à l'article 13 de la Convention des Nations Unies contre le trafic de stupéfiants et de substances psychotropes de 1998. Pour voir ce communiqué de presse, cliquez ici.

Voici le fameux article 13 de ladite convention, auquel l’OICS accuse le Canada de contrevenir.

Article 13
« Les Parties prennent les mesures qu’elles jugent appropriées pour prévenir le commerce et le détournement de matériels et d’équipements en vue de la production ou de la fabrication illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, et elles coopèrent à cette fin. »

Après une lecture attentive, il semble totalement surréaliste qu’une institution telle que l'OICS, même si l’on se doute bien que celle-ci n’est pas spécialisée dans la réduction des méfaits, puisse voir dans le fait de mettre à la disposition des usagers de drogues des pipes à crack ou encore un lieu d’injection sécuritaire, une quelconque contravention à cet article.
On ne peut, une fois de plus, qu’y voir une attaque, fondée sur des principes moraux, à l’égard de la politique de réduction des méfaits que le Canada met timidement en place, dans l’ombre de son voisin de sud, qui, pour sa part, s’y oppose farouchement.
En effet, le Canada n’a jamais été un pionnier en matière de réduction des méfaits. Il s’est contenté d’expérimenter, sur son territoire, des dispositifs ayant été éprouvés ailleurs, et ce, sans les généraliser à grande échelle.
Or, notre gouvernement actuel, d’allégeance conservatrice, tente de remettre en question la place de l’approche de réduction des méfaits dans sa stratégie antidrogue. Le gouvernement multiplie en effet les attaques contre Insite, le site d’injection supervisé de Vancouver, qui, malgré les nombreuses preuves scientifiques de son impact positif sur le plan de la santé publique et cinq années d’existence doit se battre pour demeurer en activité.
Il a par ailleurs totalement fait disparaître le volet réduction des méfaits de sa nouvelle stratégie antidrogue présentée il y a quelques mois.
Il est donc facile de comprendre pourquoi le ministre Clément promet de tenir compte des recommandations de l’OICS. Celles-ci légitiment les positions archaïques adoptées par son gouvernement en matière de lutte contre la drogue, positions qu’il commençait à avoir du mal à défendre en raison de leur opposition à l’évidence scientifique.
Il ne serait donc pas surprenant que le gouvernement conservateur du Canada, s’appuyant sur une prise de position fantaisiste de l’OICS, en profite pour aller de l’avant dans le sabotage organisé de notre politique de réduction des méfaits liés à l’usage de drogues.
Que faire si ce n’est inviter la communauté scientifique et les intervenants en toxicomanie du Canada à demeurer extrêmement vigilants et à prendre les moyens nécessaires pour être entendus.

Pour consulter ou télécharger ladite convention, cliquez ici (PDF 585 Ko)

mardi 12 février 2008

Sites d’injection supervisés en Amérique du Nord : Est-il possible de multiplier les initiatives?

Est-il encore nécessaire de le rappeler, en Europe comme en Amérique du Nord, la démonstration des nombreux impacts positifs des sites d’injection supervisés a largement été faite. Il est par ailleurs bien clair, et les consultations organisées début février 2008 à Vancouver nous l’ont confirmé, qu’une grande majorité des professionnels œuvrant dans le domaine de l’intervention auprès de personnes vivant des problèmes de dépendances reconnaissent quasi unanimement la pertinence de ce modèle d’intervention en matière de réduction des méfaits.
On constate également aujourd’hui que les autorités politiques locales, ayant la responsabilité de trouver des solutions permettant de gérer adéquatement les différents problèmes soulevés par les pratiques d’injection de drogues qui, faute de mieux, ont l’espace public comme toile de fond, sont de plus en plus nombreuses à voir dans les sites d’injection supervisés une bonne réponse aux difficultés rencontrées.
Nous bénéficions donc de tous les éléments requis pour aller de l’avant.
En effet, au regard des expériences menées, entre autres en Suisse où les premiers « lieux de consommation contrôlés » ont vu le jour il y a près de 25 ans, et de l’évidence scientifique, toutes les grandes villes d’Amérique du Nord comptant une masse critique suffisante d’usagers de drogues par injection devraient se munir de tels dispositifs. Or, Insite demeure le seul et unique modèle du genre en Amérique du Nord.
Bien entendu, pour que de tels projets voient le jour il faut qu’ils soient amenés sur la place publique par un porteur de projet crédible et supportés par une majorité, ce qui n’est pas toujours le cas. Au Canada, il faut également que le gouvernement fédéral accepte de donner les exemptions à la loi qui sont nécessaires pour exercer une telle activité.
Or, malgré l’évidence scientifique et les nombreuses pressions, l’actuel gouvernement du Canada campe sur des positions d’hostilité à l’égard des sites d’injection supervisés. Le premier ministre Harper est même allé jusqu’à supprimer toute référence aux actions visant la réduction des méfaits dans la nouvelle stratégie canadienne antidrogue (Pour en savoir plus sur la politique canadienne antidrogue).
Dans un tel contexte, je vois mal comment de nouveaux projets de sites d’injection supervisés tels ceux supportés par le maire de Victoria (Colombie-Britannique, Canada) pourraient voir le jour tant que le gouvernement conservateur de Stephen Harper, pourtant minoritaire, sera en place!
À ce sujet, j’invite ceux d’entre vous qui lisent l’anglais à prendre connaissance d’un article très pertinent paru le 10 février dans le Times Colonist.

lundi 21 janvier 2008

Canada : La mise sur le marché du Suboxone est-elle une panacée?

L’épopée de la mise sur la mise sur le marché canadien du médicament de la buprénorphine haut dosage, destinée à traiter la dépendance aux opioïdes aura été longue et sinueuse.
Rappelons-nous en effet qu’après près de trois ans d’évaluation, la mise sur le marché du Subutex, un médicament pourtant prescrit à quelque 100 000 français dépendants des opioïdes, a purement et simplement été abandonnée, et ce en raison du fait que compte tenu des risques de diversion de cette médication, Santé Canada exigeait que les patients se rendent tous les jours à la pharmacie pour que celle-ci leur soit administrée sous le contrôle d’un professionnels de la santé.
Aujourd’hui, la buprénorphine est disponible au Canada sous la forme de Suboxone (buprénorphine et naloxone) et la plupart des groupes de patients et acteurs de santé qui, depuis plusieurs années, tentent de faire valoir la nécessité de bénéficier d’autres options thérapeutiques que la méthadone pour traiter un problème de santé aussi complexe que la dépendance aux opioïdes, applaudissent des deux mains.
Or, la mise sur le marché du Suboxone est-elle une panacée? Je n’en suis pas si persuadé.
En effet, nos collègues français, qui eux disposent depuis plus de dix ans du Subutex, doivent se prononcer sur la pertinence de la mise sur le marché de cette nouvelle médication. Il semble que les experts en la matière soient plus que réservés sur la question. Le Suboxone est un médicament coûteux dont l’avantage théorique est de réduire le détournement vers l’injection, malheureusement trop souvent constaté avec le Subutex. Or, plusieurs articles tendent à démontrer, que la présence de naloxone dans le Suboxone rend effectivement l’expérience d’injection de la médication plus désagréable, mais ne conduit pas les utilisateurs à y renoncer.
Au Canada, il est donc fort probable que sur le plan clinique, la mise sur le marché du Suboxone présentera peu ou pas d’avantages par rapport à ceux qu’aurait pu présenter la mise sur le marché du Subutex.

Il est par ailleurs à peu près certain que la méthadone demeurera la médication de référence en matière de traitement de la dépendance aux opioïdes, mais que celle-ci ne peut constituer une réponse optimale pour tous.

Nous ne pouvons donc pas nous passer d’une alternative thérapeutique aussi prometteuse que la buprénorphine. Aussi, je juge essentiel d’appuyer ouvertement la mise sur le marché du Suboxone ainsi que son remboursement par le Régime général d’assurance-médicaments. Rétrospectivement, une question s'impose toutefois! N’aurions-nous pas dû nous montrer plus insistants dans l’appui que nous avons apporté à la mise sur le marché du Subutex, et ce afin que Santé Canada accepte de mettre cette médication sur le marché dans des conditions cliniquement acceptables, ce qui ne fut pas le cas. Il est en effet probable que sur le plan collectif, la mise sur le marché du Subutex aurait été nettement plus avantageuse sur le plan financier et que les risques reliés à son détournement auraient été, à peu de chose près, équivalents.